L’autre moitié du songe m’appartient / Alicia Gallienne

Suggestion : poésie

Décédée depuis maintenant une trentaine d’années, à l’âge de vingt ans seulement, Alicia Gallienne resterait pour nous une inconnue s’il n’y avait eu la publication de ces écrits que nous devons à Guillaume Gallienne, comédien et réalisateur, qui est son cousin. Cette œuvre poétique composée en seulement trois années n’est pas le reflet d’une vie de jeune fille ravagée par la maladie, en l’occurrence une maladie sanguine menant à une greffe de moëlle osseuse qui ne sera d’aucun secours.

Comment ne pas penser à Rimbaud dont l’œuvre fut aussi rédigée en quelques années, et dans cette fulgurance, cette nécessité absolue de s’exprimer dans l’urgence, d’assembler simplement les mots pour traduire son amour de la vie et des autres.

Sans jamais s’appesantir sur sa souffrance, ni même aborder l’isolement qu’occasionne les soins découlant d’une telle maladie, Alicia Gallienne se focalise exclusivement sur ses sujets de prédilection, l’eau, les oiseaux, la nature, le sang, l’amour, mais aussi le deuil et la perte des êtres aimés (ainsi son frère Eric, atteint lui aussi d’une maladie similaire). Eperdument passionnée, l’amour est pour elle une bouée de sauvetage. Tout l’appelle à profiter de la vie alors que ses jours sont comptés.

On sent à la lecture de ces poèmes qu’ils ont été écrits très rapidement. Les vers arrivent comme un flot, telle une marée que l’on ne peut endiguer, les images surgissent telles un film en accéléré. Car c’est bien une déclaration d’amour à la vie que l’autrice nous donne à lire. Malgré son acharnement à vivre, l’ombre de la mort plane sur ces vers, encore faut-il la démêler de l’écheveau touffu des rêves…

Il y a ce déluge de mots que ma tête ne contrôle point

Puis il y a surtout ce fleuve de désirs inassouvis

Il y a ma vie qui souffle mise hors d’haleine

A l’aube avant même le réveil

(Les yeux plus grands que le ventre)

(Colette)

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