Les déchirements / Hubert Nyssen

Cette histoire est tellement bouleversante que l’auteur s’est “rattrapé” en écrivant une suite (L’Helpe mineure), afin de dédramatiser cette destinée épouvantable.

Au travers de plusieurs de ses romans, Hubert Nyssen évoque de manière récurrente un même questionnement, parfois de manière anecdotique, mais ici en l’occurrence, cette interrogation est pleinement développée. Elle peut se résumer en ces mots : “Si nous avions agi différemment, lors d’un moment précis de notre existence, cela aurait-il changé le cours des évènements qui s’en sont suivis, ou bien même le cours de l’histoire?”. C’est donc bien de regrets dont il est question dans ces pages, du regret éternel, sur lequel l’être humain n’a plus aucune prise, mais qui par sa présence lancinante gâche bel et bien l’ensemble d’une existence.

Valentin vient de perdre son frère aîné Victor dans un accident de la route. Les deux frères ne se fréquentaient plus guère et Valentin voudrait connaître les raisons de cette distanciation. Pour ce faire, il va rencontrer régulièrement Colette, la veuve de Victor, et apprendre bien des choses qu’il ignorait sur la jeunesse de son frère. Et cela concerne essentiellement les années de guerre, lorsque la Belgique était occupée et que Victor, alors jeune étudiant, nourrissait une passion secrète pour Julie Devos, sa jeune et jolie professeure d’art. Ainsi, au fil du récit, poursuivons-nous la destinée de Julie, dans la tourmente du deuxième conflit mondial, des camps de concentration, et de l’impact de ces faits sur les inquiétudes et les remords de Victor.

Œuvre remarquablement aboutie, tant dans le dévoilement subtil des faits marquants l’histoire que dans la manière profondément structurée où se déploient les chapitres, chacun apportant son lot d’informations nouvelles. Une excellente leçon d’écriture pour de futur·es romanciers ou romancières. Un roman qui donne à penser et qui permet à chacun·e de s’interroger sur sa propre existence et ses possibles actes manqués.

(Colette)