Ton absence n’est que ténèbres / Jon Kalman Stefansson

Il y a décidément quelque chose de particulier chez Stefansson, une musique douce, humaine, qui berce et fait que ce texte ne peut tomber des mains, des mots qui portent bien au-delà de l’espace et du temps, des aphorismes qui parlent de la vie et de la mort, des répétitions qui rythment l’histoire, une poésie qui affleure les mots et une réflexion philosophique sur le sens de la vie enveloppent tous les personnages de cette fiction.

Un homme arrive en Islande, dans un fjord isolé à l’ouest de l’île. Il s’arrête près d’une église entourée d’un cimetière et les habitant·es qu’il rencontre semblent le reconnaître et se réjouir de son retour. Même l’hotellière qui l’héberge aurait connu avec lui une passion amoureuse… mais elle est mariée à un autre maintenant. Notre homme lui, semble être amnésique et entreprend de transcrire toutes les histoires que les personnes rencontrées lui racontent, espérant de la sorte retrouver la mémoire. Ainsi nait un récit qui court en tous sens, durant plus d’un siècle, sans chronologie précise. Chaque personnage se démène pour sa propre survie et celle des sien·nes, pour trouver un modeste bonheur et acquérir l’estime de soi et le respect des autres. Une grande saga familiale prend forme et lorsque les destins se croisent et se répètent, lorsque les couples se forment ou se défont, des enfants naissent qui suivront leur propre destinée… Six cents pages attendent la lectrice ou le lecteur, qui ferait bien de dresser une liste des personnages au fur et à mesure de leur apparition dans le récit (voire un arbre généalogique), tant ils sont nombreux et les prénoms islandais compliquent la mémorisation. Ceux-ci ne permettant pas toujours de déterminer le sexe. (Ce conseil est valable pour d’autres romans de Stefansson). Les pièces d’un grand puzzle s’assemblent au fil de la lecture.

Cet écrivain qui semble lui-même avoir vécu tant de vies différentes (menuisier, pêcheur, bibliothécaire) mériterait bien une reconnaissance internationale pour l’ensemble de son œuvre… le Nobel de littérature?

(Colette)